On ne peut pas qualifier notre ami de fin gastronome bien qu’il aime les bonnes choses, mais c’est quelqu’un de curieux y compris ses papilles, elles savoureront les saveurs venues d’ailleurs ou celles qui ont un goût de « pas vu ».
Sa cuisine ressemble à un laboratoire, un équipement sophistiqué du dernier cri, le gadget, la robotique et la technologie y sont en bonne place. Lorsqu’il se met aux fourneaux, exotisme et originalité sont au menu, il devient le baroudeur des saveurs, son esprit d’aventure se met au service des associations inédites et parfois téméraires. Il affectionne une multitude de petites choses, petites vérrines, petits plats dégustation aux grandes quantités et plats copieux, on retrouve bien son esprit de découverte. Comme il n’aime pas être séparé de ses convives, son espace-cuisine devient un lieu de rencontre, un « salon où l’on cause ». Tout en mitonnant, il peut à la fois mettre son « grain de sel » dans ses préparations et dans la conversation.
C’est un adepte de la cuisine dite « nouvelle » par opposition à la cuisine dite « bourgeoise ou de tradition ou rustique ». Exit les cuissons longues, les mijotages, les marinades, les plats en sauces, les préparations fastidieuses, il pourrait se nourrir de quelques pilules ou d’aliments lyophilisés comme les spationautes. Manger est nécessaire, certes, mais chez notre ami, c’est surtout un prétexte social, une façon de passer agréablement le temps avec des amis. Lorsqu’il est seul, il est du genre grignotage, plateau télé, un truc vite fait sur le pouce ou un plat pré-préparé surgelé qu’il réchauffera au micro-onde entre deux infos. Il n’est pas rare qu’il « oublie » de manger, de sauter un repas, ses occupations l’emportant sur son appétit. Mais lorsqu’il se met en frais !!! entendez par là qu’il met les petits plats dans les grands … on n’est pas déçu du voyage !
L’accompagner au marché est déjà une aventure. Pas de liste préétablie, il fonctionne au feeling et virevolte entre les étals, les rayons, il semble très désorganisé, mais en fait il est à la recherche du petit truc qui fera tilt, qui ravira ses papilles et celles de ses amis. C’est autour de ce petit truc qu’il élaborera son menu. Ce petit truc sera de préférence quelque chose d’original, d’inédit, une saveur venue d’ailleurs, qui a un goût d’exotisme qui fait voyager son imaginaire que ce soit dans l’espace ou dans le temps. Prêt pour l’aventure ? Suivons-le !
S’il rencontre une viande un peu spéciale comme un filet de bison ou du steak d’autruche ou toutes autres viandes venues d’ailleurs, elles seront sans hésitation au menu avec quelques anecdotes savoureuses en prime. Autrement une belle pièce de bœuf ou un poulet fermier à la broche feront son bonheur. En saison, il ne dédaigne pas quelques gibiers volants de préférence, un salmis de canard sauvage ou un faisan rôti, une belle bécasse ou des ortolans pour sortir des sentiers battus. Côté poisson, une belle rascasse qu’il farcira à sa manière, de l’aiglefin fumé ou une friture d’éperlan trouveront place à sa table. Il peut aussi se contenter de quelques blinis garnis de quelques cuillères d’œufs d’esturgeon autrement dit de caviar. Il aime le poisson fumé, le cœur de saumon ou le filet de hareng sur pain toasté accompagné de raifort râpé, lequel est riche en vitamine B et C, en sels minéraux, tonifie l’estomac et aide à la digestion des graisses, et dont les jeunes feuilles mastiquées renforcent les gencives. Côté coquillages et crustacés, il aime tout ou presque, il se laisse tout simplement guider par ses envies du moment. Mais s’il en a l’occasion, faire son marché sur le port à l’arrivée des chalutiers, est un vrai ravissement.
Pour accompagner viandes, volailles ou poissons, il se tourne vers l’originalité, des légumes oubliés ou inédits. Pour les oubliés, des pousses de houblon (graines germées) en salade (son goût ressemble à l’asperge) ou cuites à la bière brune accompagnent un filet de volaille ou de poisson blanc. Le houblon en faible quantité est un tonique et diurétique, en grande quantité, il devient calmant, sédatif et anaphrodisiaque ! Le rutabaga, sorte de choux-navet retrouve une petite place ou encore le panais, un légume-racine cousin de la carotte et du céleri rave, ils sont peu caloriques et riches en fibres et sels minéraux. Pour les inédits, les crosnes venant de Chine, mais déjà connues du temps d’Alexandre Dumas qui les adorait en « salade françillon ?? », ont un goût légèrement sucré rappelant l’artichaut ou le salsifis, tout comme le topinambour qui lui vient d’Amérique du Nord, délicieux en gratin style dauphinois.
Souvent il associe les saveurs sucrées-salées, les fruits, surtout les exotiques, deviennent des accompagnements. L’ananas, ramené des Antilles par Christophe Colomb, est riche en vitamines, il a la particularité de renforcer l’action des antibiotiques et d’être un tonique nerveux. Le kiwi, sorte de grosse groseille qui vient de Nouvelle-Zélande, doit son nom à un oiseau, sa teneur en vitamine C dépasse celle du plus classique citron ou de l’orange. Au rayon de la vitamine C, très utile en hiver notamment pour le renforcement immunitaire, on trouve également dans le panier de « notre ménagère » la goyave et la mangue, il les savoure crues, cuites, confites, leurs feuilles mâchées renforcent les gencives. Parfois, ces sucrés-salés deviennent des aigres-doux dans des chutneys, une sorte de confiture au vinaigre. Et n’oublions pas la pulpeuse et rafraîchissante tomate ou « pomme d’amour », autre fruit-légume qui a fait partie des bagages de ce cher Christophe et sera mise à toutes les sauces.
Là où il est le plus créatif dans les associations, c’est dans ses salades composées. Mélange de saveurs douces, acidulées, âpres avec des textures onctueuses, granuleuses ou encore râpeuses, le tout dans une symphonie de couleurs. Sa « personnal touch », quelques fleurs propres à la consommation, des pensées, des soucis, des roses, des bleuets, des coquelicots, selon sa fantaisie ou son humeur du jour.
Les desserts sont légers, aériens, goûteux comme un sorbet, une mousse ou un bavarois aux fruits de la passion, au citron vert, à la mangue. Un dessert plus typé comme un granité au cidre ou à la gueuze, une classique île flottante ou une crème brûlée, ou tout simplement une belle corbeille de tous ces fruits gorgés de soleil et de vitamines.
Les alcools n’ont que peu ou pas de place dans ses habitudes, sa préférence va aux boissons légères, les sodas, toniques, limonades pour les froides et rafraîchissantes. Les boissons chaudes sont essentiellement des thés qui varieront en saveur selon le moment de la journée. Il les aime natures, fermentés ou verts, parfumés aux épices, aux fleurs (jasmin, lotus, gardénia), à la bergamote. Avant de devenir une boisson universelle, il était une médecine appréciée pour ses vertus tonifiantes et astringentes.
Être invité à la table d’un Verseau est un dépaysement assuré, mais si vous êtes ce qu’on nomme « une bonne fourchette » vous risquez de rester sur votre faim, mais pas sur de mauvaises surprises !