Les saveurs du Bélier

Il en va de ses repas comme des bivouacs de campagne, rapides, solides, sans chichis ni tralalas ! Du bon, du costaud pour ce baroudeur. Aussi ne prévoyez pas de le garder longtemps à table, ne lui concoctez pas des menus qui traînent en longueur, il s’ennuierait. N’oublions pas qu’il ne peut pas rester longtemps en place. S’il se met devant les fourneaux, ce qu’il aime faire, ne vous attendez pas à un repas pantagruélique ! Ce sera pour une cuisine rapide, vivante, colorée, joyeuse, souvent improvisée.
Il aime une alimentation carnée, une nourriture très énergique pour répondre à ses besoins d’action. Son choix se porte naturellement sur les viandes rouges. Une bonne et tendre côte de bœuf au barbecue, le fera saliver. Il ne dédaignera pas une volaille ou un lapereau rôti à la broche ou encore quelques poissons cuits au feu de bois
Ses papilles ont des « biscoteaux », elles aiment ce qui est robuste, franc. Elles aiment garder un souvenir de ce qu’elles ont goûté et apprécié. Ses préférences vont vers tout ce qui est « relevé ». Et lorsque vous devez concocter un plat pour ses « beaux yeux », portez votre choix sur des mets épicés, pimentés et des accompagnements qui ont de « la gueule » ou qui mettent le feu !
N’hésitez pas à mettre sur la table une variété de condiments ou de sauces relevées, une compotée de poivrons et piments qui a aussi la particularité de « désinfecter » les aliments et qui soulageront la gorge. Vous pouvez aussi user et sans trop abuser de poivre de toutes les couleurs et saveurs, frais ou séché, il fait saliver et favorise la digestion. Vous voulez faire danser ses papilles avec originalité ? Un tournedos au poivre vert frais le délectera, tandis que le goût légèrement anisé du Sichuan, donnera une note exotique à une compote de fruits.
Un de ses favoris est la moutarde, un grand classique ! Ce sont les graines écrasées qui lui donnent cette saveur piquante. Mais saviez-vous qu’elle a des vertus aphrodisiaques ? En farine et posée en cataplasme, elle soigne les rhumatismes et panaris. Si un « feu de bouche » vous dévore, neutralisez le avec du yaourt, du pain ou du riz.
Autres condiments qui reçoivent toutes ses faveurs, sont les aulx sous toutes ses formes, ail, oignons, poireaux, ciboules, ciboulettes, civettes. Connues depuis la « nuit des temps », ils entrent dans la composition de recettes de bouillon consignées sur les tablettes cunéiformes datant de 4000 ans avant J.C.(*). Nos très lointains ancêtres en connaissaient les vertus – antiseptique, purificateur du sang – ils l’utilisaient contre les morsures de petits rampants, piqûres d’insectes et brûlures. Dioscoride**, au 1er siècle, préconise un cocktail de lait ou d’eau avec du miel et de l’ail en cas d’extinction de voix. Depuis on leur a découvert d’autres propriétés. Pour contrer un rhume de cerveau, respirer plusieurs fois par jour des gousses coupées. Quelques gousses macérées dans du vinaigre ou de l’huile, les parfumeront agréablement. L’inconvénient c’est qu’on sent à un mètre ! Alors pour le neutraliser, il faut mâcher du persil, des feuilles de menthe, ou quelques grains de café.
Plus rustique, le raifort ou radis noir. Râpé dans une sauce pour accompagner les viandes grillées ou les poissons fumés. Il est souverain contre la goutte, stimule la digestion ; croqué, il renforce les gencives. Pour innover, quelques jeunes feuilles dans une salade donnent une touche d’originalité. Ses feuilles séchées donnent un colorant jaune.
Plus exotique, le gingembre qui nous vient d’Asie selon toutes probabilités lors les invasions Mongoles. Très simulant, il est à consommé avec modération, mais il aide à la digestion, combat la nausée, stimule la sécrétion d’hormones mâles, a une action bénéfique sur la thyroïde, la flatulence, la fatigue. Un coup de barre ? une petite cure de gingembre en limonade et ça repart !
Si notre Bélier aime fréquenter la boulangerie et se régaler avec du pain encore chaud, il ne s’attarde pas trop côté rayon pâtisserie. N’oublions pas qu’il aime les saveurs qui ont du caractère, les douceurs ne font pas partie de son tempérament. Mais si vous lui concoctez une comptée de rhubarbe avec du poivre du Sichuan par exemple, il ne dédaignera pas le sablé ou la génoise qui l’accompagne. La rhubarbe, qui possède des vertus anti-inflammatoires certaines, peut-être utilisée en cataplasme contre les brûlures, les furoncles, les ulcères ; ses feuilles ont des propriétés insecticides. Vous pouvez aussi contraster les saveurs ou les textures, ou « flamber« , servez lui une omelette norvégienne ou une crêpe Comédie Française, ses yeux traduiront tout son plaisir.

Il ponctuera son repas avec un fromage fort, piquant, un camembert bien fait, un petit Munster, un Maroille. Une astuce pour lui faire plaisir, faites macérer un camembert dans du calvados, emballez le dans une feuille d’aluminium et mettez le dans la braise du barbecue le temps de prendre un pot, il s’en délectera les babines !
En dehors des repas, il consomme des boissons stimulantes et/ou rafraîchissantes, une bonne « cervoise » bien fraîche et moussante fera son bonheur. Il est plutôt café que thé, appréciant plus l’amertume que la douceur. Il agrémentera ses moments de convivialité d’une boisson amère telle l’absinthe ou un américano. Sur la carte, son choix se portera pour un vin corsé et fort en bouche, un vin qui laisse un souvenir à ses papilles. S’il prend un alcool, il sera sec, qui lui « met le feu », il faudra cependant lui rappeler la modération.

 

* « La plus vieille cuisine du monde » de Jean Bottéro aux éditions Louis Audibert
** Dioscoride : médecin grec du 1er s après J.C. (Dioskoudiès) surnommé Pedanios. Son ouvrage « matéria médica » a fait autorité jusqu’à la renaissance. Il renferme la description de quelque 600 plantes formant un précieux catalogue de préparations pharmaceutiques

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