Les saveurs du Lion

Il n’y a pas que dans ses bras que vous rugirez de plaisir ! Sa table vous en donnera bien souvent l’occasion également. Adepte du beau, de l’élégance, du raffinement, ses papilles réclament de la finesse et nombre de délicatesses. C’est un fin gourmet, un connaisseur, son palais apprécie les saveurs subtiles, les plats succulents, il se délecte de « morceaux choisis » dans une garniture « à la royale ». Sa table est un festin, même pour un jambon salade, ce ne sera pas n’importe quel jambon ni n’importe quelle salade, il sait en faire tout un plat ! Et chez lui, ce sont plutôt les grands que les petits plats qui prennent le chemin de la table.

Faire le marché est un grand moment de réjouissance, dans tous les sens du terme ! Rarement il a une liste en poche, il préfère musarder et laisser ses envies le guider, et mine de rien, le plaisir des sens est toujours présent. Ses yeux parcourent avec virtuosité les échoppes pour dégoter le petit quelque chose qui fera la différence. Vous ne lui ferez pas acheter n’importe quoi, il veut d’abord s’en faire une opinion. Alors, il tâte, palpe, soupèse, hume avec ravissement, écoute le chant des fruits ou autres légumes, il est exigeant sur la qualité et la fraîcheur, il veut des denrées qui ont la mine réjouie, autrement comment satisfaire son palais !

Suivons le dans sa flânerie gourmande et regardons ce qu’il va acquérir.
Rien n’est trop beau ni trop bon pour sa fine bouche, aussi, il choisira des morceaux de roi ! Des morceaux choisis dans les filets de bœufs et qui deviennent mignons chez le veau ou le porc, les rôtis bardés pour le festin, le doux agneau offrira ses côtes premières qu’il mettra en couronne, une selle rebondie ou un gigot bien avenant. Il a toujours des petites arrière-pensées d’épate qui traînent dans sa tête, donc si l’occasion se présente, il mettra au menu de l’autruche sans se cacher, sautera de joie devant un pavé de kangourou. Il a gardé au fond de lui un relent d’instinct de chasseur et prédateur qui le conduit tout naturellement à apprécier les gibiers de « haute vénerie », comme un ragoût de marcassin, il ne tournera pas le dos à la biche ou le faon et ne tarira pas d’éloge devant un civet de lièvre à la royale.
S’il en a l’occasion, il n’hésitera pas à aller accueillir les pêcheurs sur le quai et s’approvisionner avec grande fraîcheur. Il sortira de sa coquille pour Saint Jacques, rougira de plaisir devant un homard en belle vue, une langoustine à la parisienne, se pourlèchera les babines sur un plateau de fruits de mer. Il vous mettra au comble du plaisir devant une coupe de caviar. On peut dire qu’il n’a pas d’oursins dans ses poches !

Accompagneront ces belles pièces, les filiformes haricots verts de préférence, il fera sauter des pommes de terre ou les fera dauphine, noblesse oblige ! Si l’une, la pomme de terre, a la réputation de favoriser des poignées d’amour, l’autre, les haricots, lui permet de garder la forme sans les formes, mais sont riches en vitamines. Une chiffonnade de salades de toutes les couleurs, à moins qu’il ne préfère en braiser le cœur ! Elles apportent la petite note de fraîcheur, mais peut-être préfèrera-t’il la roquette plus poivrée ou le cresson qui a de grandes propriétés diurétiques. Au printemps, il apprécie les très toniques pissenlits, qui vont également donner un coup de fouet à son foie lorsqu’il est paresseux, les jeunes pousses d’épinards pour se faire de beaux biscoteaux, sans oublier les artichauts chers à son cœur qui aident aussi à dépurer son foie, et l’indispensable persil qui facilite la digestion. Les champignons sont aussi de la fête, une bonne fricassée de cèpes ou une poêlée de morilles surtout si elles accompagnent des ris de veau fera ses délices, il se lèchera les babines avec une salade de lamelles de truffes ou trônant sur une escalope de foie gras, un ravissement pour notre ami épicurien.

Nous ne devons pas oublier de mentionner l’olive. En fruit en amuse-gueule, en tapenade sur des toasts ou en huile, elle occupe une place de choix dans ses préparations et sur ses étagères. Symbole de paix et de sagesse, sacré chez les druides, c’est un rameau d’olivier que rapporta la colombe à Noé après le déluge. Depuis ce temps, ses multiples vertus n’ont plus de secret. Et pour couronner le tout, que ce soit pour ses actions ou son usage en cuisine, il faut citer le laurier. Consacré au soleil, dédié à Apollon, il a ceint des têtes illustres et bien faites. Saviez-vous qu’au Moyen-âge les étudiants recevant leur titre universitaire portaient la couronne de laurier avec ses baies, c’est là qu’il faut trouver l’origine du mot « baccalauréat » (de bacca = baie et laurea = laurier).

Pour séduire les papilles de notre ami et parfumer ses mets et principalement ses desserts, les épices dites « nobles » trouveront une place de choix. Selon la tradition indienne, elles sont au nombre de quatre : la cardamome, qui symbolise l’hospitalité rafraîchit l’haleine et combat la fièvre ; le safran, épice sacrée dédiée à Shiva, on lui attribue des vertus aphrodisiaques ; la cannelle le préserve des refroidissements et de la grippe ; la muscade rehausse les préparations et le désir ! Il aime la saveur particulière du gingembre, qui outre sa réputation de stimuler le désir (il faut dire que notre ami est un grand amoureux et va naturellement vers des denrées qui vont le soutenir dans ses élans !) va renforcer ses défenses contre le rhume et l’aider à digérer.

Pour ponctuer un bon repas, un dessert de roi, cela va de soi ! Très gourmet, il aime à musarder parmi les mignardises et petits-fours, donc pour lui plaire offrez lui le choix. Un Saint Honoré l’honorera, se rendra à l’Opéra de Paris à Brest où saluera madame Pêche Melba, fera la révérence à une Marquise, à la Pompadour ou à sa Charlotte et vendrait son âme au diable pour un sabayon au champagne !

Le champagne qui a la faveur de son palais est un invité d’honneur à sa table. Il l’aime avec son corps, son cœur, son âme et son esprit, qu’il soit pétillant ou tranquille, ambré ou rosé, mais toujours frappé. En œnologue averti, les crus grands ou bourgeois, venant de Bordeaux ou de Bourgogne, souligneront la délicatesse de la table. S’il souhaite faire dans la sobriété, il fera confiance à une eau de grande renommée.

Lorsqu’il se met derrière ses fourneaux, cela devient « le festin de Babette ». Les pâtés s’habillent de croûtes dorées, la langouste se met à l’heure parisienne, la bécasse s’offre sur canapé, il écoute Rossini sans lui tourner le dos et quand il bouille les œufs, c’est aussi pour y mettre sa truffe !

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